L'enveloppe collaborateur... la cagnotte des députés — indélicats

Publié le par USCP UNSA AN

ENQUÊTE
Qu'est devenue la cagnotte de fin d'année des députés ?

Fin 2007, près de la moitié des députés auraient gardé pour leur groupe ou pour le fonctionnement de leur permanence le reliquat des crédits destinés à la rémunération de leurs collaborateurs. Un syndicat s'en émeut. Nos députés s'en défendent.

Fin 2007, près de la moitié des députés auraient gardé pour leur groupe ou pour le fonctionnement de leur permanence le reliquat des crédits destinés à la rémunération de leurs collaborateurs. Un syndicat s'en émeut. Nos députés s'en défendent.

L'INFORMATION émane du très sérieux service de la questure, qui veille au bon fonctionnement comptable et financier de l'Assemblée nationale. Fin 2007, 261 des 577 députés n'auraient pas reversé à leurs assistants ou secrétaires le reliquat non consommé des sommes que la noble institution destine pourtant à leur rémunération.
« Un scandale », pour l'Union syndicale des collaborateurs parlementaires (USCP) dont le secrétaire général, Jean-François Cassant, ex-assistant du Vert Noël Mamère, vient de porter l'affaire sur la place publique (lire par ailleurs). Une petite explication de texte s'impose. Chaque année, l'Assemblée fixe le montant des enveloppes allouées aux députés. Il y en a trois : l'indemnité parlementaire en tant que telle, l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) qui permet d'assurer le fonctionnement des permanences parlementaires (loyer, factures, achat de matériels, etc...) et enfin le crédit collaborateur, actuellement de 8.949 € brut par mois (voir infographie).
Avec cette somme, les députés rémunèrent leurs assistants, en général trois, un à Paris, deux en province. A la discrétion des élus, ce nombre peut grimper à cinq. Dans ce cas, évidemment, les salaires sont moins élevés. A charge pour les députés d'en fixer le montant et de se débrouiller pour ne pas dépasser l'enveloppe. Dans le cas contraire, les parlementaires ont la possibilité de reverser la partie non consommée de ce crédit à leurs collaborateurs. Certains, à l'instar du député-maire Jacques Desallangre (divers gauche – Aisne) de Tergnier, disent le faire sous forme de primes. D'autres, comme le député UMP de Reims Renaud Dutreil, sous forme de 13e mois.
Mais en Champagne-Ardenne comme en Picardie, tous l'affirment haut et fort. « En aucun cas, cet argent ne nous revient », assure par exemple le député Nouveau Centre de la Somme, Olivier Jardé. Certes, mais le reliquat peut tout à fait légalement alimenter l'indemnité de frais de mandat (IRFM) dans la limite annuelle de 5.985 € brut. Ce que reconnaissant volontiers Benoist Apparu (UMP – Marne) ou René Dosière (PS – Aisne). C'est précisément là que le bât blesse. Pour l'USCP, ce transfert confine ni plus ni moins à « un détournement de fonds publics », surtout quand cette enveloppe non utilisée sert aussi à alimenter le fonctionnement des groupes, donc indirectement des partis politiques. En 2007, ces « détournements » – autorisés mais contestés – auraient représenté la coquette somme de 1,55 million d'euros, soit l'équivalent de 2.684 euros par député.
G.G.

« Des pratiques abusives »
Trois questions à Jean-François Cassant, secrétaire général de l'Union syndicale des collaborateurs parlementaires.
Que représente l'USCP ?
Jean-François Cassant : « Actuellement, une centaine d'adhérents sur les 2.300 contrats de collaborateurs que compte l'Assemblée nationale. Un collaborateur peut travailler pour deux ou trois élus. La profession est très féminisée. Les deux tiers des assistants ou secrétaires sont des femmes et autant travaillent en province, ce qui rend complexe l'organisation de ces professions mal connues et souvent mal rémunérées ».
Quels sont les salaires moyens ?
J.F.C. : « Actuellement, 21 % des assistants parlementaires perçoivent de 460 à 1.380 € net par mois, 25 % entre 1.381 et 2.000 € net, 43 % entre 2.000 et 2.900 € net, et 11 % seulement gagnent plus de 2.900 € net / mois. Il s'agit la plupart du temps de personnes qui disposent au moins d'une formation à bac + 5 ».
Pourquoi dénoncez-vous le reversement éventuel d'une partie du crédit collaborateur de chaque député aux frais de mandat ?
J.F.C. : « Il s'agit d'un détournement caractérisé de fonds. En matière de comptabilité publique, la règle est simple. Quand une somme est détournée de sa destination, il y a pratique abusive même si elle est courante. J'ajoute que ce reliquat du crédit collaborateur transféré sur l'indemnité représentative de frais de mandat échappe à l'impôt. Pour faire fonctionner leurs permanences, les députés peuvent donc y consacrer chaque année plus de 5.000 € défiscalisés. Ce qui est choquant, c'est que cet argent doit en réalité servir à payer des collaborateurs, non à changer d'ordinateur ou à payer les factures ».
Propos recueillis par G.G.

Un ancien collaborateur : « Une double ambiguïté »
« En aucun cas, un député ne peut se mettre dans la poche un éventuel reliquat de crédit affecté à la rémunération de collaborateurs car c'est l'Assemblée nationale qui gère ces crédits et verse directement l'argent aux collaborateurs embauchés par le député », raconte un ancien collaborateur de parlementaires.
« Mais il y a une double ambiguïté », selon lui : « D'abord, tous les députés ne disposent pas forcément des trois collaborateurs à temps plein auxquels ils ont droit. Ils peuvent reverser à leur groupe la rémunération de l'équivalent temps plein du troisième collaborateur. Ce tour de passe-passe a un avantage. Il permet aux groupes politiques de l'Assemblée de recruter des spécialistes dans des domaines précis, ce qui favorise leur fonctionnement démocratique.
Ensuite, on peut s'interroger sur l'utilisation de collaborateurs locaux dont certains s'apparentent plutôt à des permanents politiques payés par les impôts des contribuables ».
F.D.
Ils réagissent : « Une mauvaise querelle »

Benoist Apparu (UMP – Marne) : « Une polémique inutile »
« Je transfère chaque mois 250 € de mon crédit collaborateur sur mon indemnité pour frais de mandat. Cet argent m'a servi notamment à refaire ma permanence parlementaire à Châlons. J'ai également consacré 1.500 € de reliquat pour indemniser en décembre un jeune CDD qui a refait mon site internet. Je verse par ailleurs 300 € par mois au groupe UMP et 200 € à ma formation locale, l'UMP-Marne. Comme souvent, la polémique nait d'une méconnaissance des crédits parlementaires et particulièrement des frais de mandat. On sous-entend que les députés s'en mettent plein les poches. La responsabilité nous en incombe. Nous devons être plus transparents. La polémique est inutile mais je la comprends ».

Charles de Courson (Nouveau centre – Marne) : « Pas un sou de reliquat »
« Je n'ai pas de reliquat de crédit de collaborateurs car ce crédit ne suffit pas à payer mes cinq collaborateurs, soit trois assistants parlementaires et deux secrétaires répartis entre ma permanence à Vitry-le-François et mon bureau à l'Assemblée nationale. Je dois prendre environ 1.000 euros par mois sur mon indemnité représentative de frais de mandat pour boucler le salaire de mes collaborateurs. Député depuis quatorze ans, je n'ai jamais eu un sou de reliquat. J'ai toujours consommé toute mon enveloppe de crédit destiné aux collaborateurs ».

Jacques Desallangre (divers gauche – Aisne) : « Rien pour moi »
« Je reverse tout le reliquat à mes trois collaborateurs sous forme de primes. L'un d'eux souhaitait être payé en heures supplémentaires. Ça n'a pas été possible parce que, curieusement, l'Assemblée est incapable d'appliquer la loi qu'elle a elle-même votée ! Globalement, ce reliquat s'élevait, fin 2007, à environ 6.000 euros. Pour chaque collaborateur, c'est l'équivalent d'un mois de salaire. Mon assistant parisien gagne 3.300 € net par mois. Il doit être l'un des mieux payés de l'Assemblée. Évidemment, à l'exception de mon indemnité, je ne garde rien pour moi, ni ne reverse à aucun parti, hormis 200 € par mois pour le groupe Démocrate et Républicain auquel j'appartiens ».

René Dosière (PS – Aisne) : « Une mauvaise querelle »
« J'utilise la totalité de mon crédit collaborateur pour payer trois personnes et demie, sous forme de primes ou de treizième mois en fin d'année. Cet argent, je n'y touche pas. Je trouve qu'il s'agit d'une mauvaise querelle. Mes collaborateurs sont payés normalement. Je tiens compte de l'ancienneté, de leur niveau de diplôme et de ce qu'ils gagneraient dans le privé à charge de travail équivalente ».

Renaud Dutreil (UMP – Marne) : « Un 13e mois »
Le député UMP de Reims et ancien ministre des PME, Renaud Dutreil, utilise l'intégralité de son « crédit collaborateur » pour payer les quatre personnes qui travaillent avec lui : deux à Paris, deux à Reims. Selon Philippe Malpezzi, son assistant parlementaire, le « reliquat » permet d'assurer « un treizième mois » dont il préfère ne pas révéler le montant.

Maxime Gremetz (PC – Somme) : « J'ai reversé 12.000 € »
« En 2007, j'ai reversé un reliquat de crédit collaborateur de 12.000 euros. Je l'ai partagé entre mes trois collaborateurs et mon groupe politique. Ça m'a permis de verser une prime de fin d'année à mes trois collaborateurs, deux à Amiens et une à l'Assemblée ».

Pascale Gruny (UMP – Aisne) : « Ne souhaite pas répondre »
La députée nous a fait savoir par le secrétariat de sa permanence à Saint-Quentin qu'elle ne souhaitait pas répondre pour le moment.

Olivier Jardé (Nouveau centre – Somme) : « 3.000 € en décembre »
« J'ai reversé, fin décembre, un peu plus de 3.000 € de reliquat au seul de mes collaborateurs à temps plein, sur quatre. Leurs rémunérations vont de 2.200 à 2.700 € net par mois. Par ailleurs, mon groupe politique me prélève directement 800 € chaque mois. Ce qu'il me reste ? Uniquement mon indemnité parlementaire, avec laquelle je couvre notamment tous mes frais de déplacements. A Paris, je prends le métro comme tout le monde ! »

Bérangère Poletti (UMP – Ardennes) : « J'ai dû prendre sur mon indemnité »
« Je consomme la totalité du crédit accordé aux collaborateurs. J'ai trois salariés à temps plein et une à 80 % à ma permanence de Charleville-Mézières, plus un à 50 % à mon bureau à l'Assemblée nationale. J'ai même dû prendre sur mon indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour pouvoir leur verser une prime de fin d'année. J'essaie de leur donner une prime pour les vacances et une en fin d'année. Je ne me souviens pas d'avoir eu un reliquat, sauf en 2002, la première année de mon mandat, parce que je n'avais pas encore recruté tous mes collaborateurs, et en 2003 parce qu'une de mes secrétaires parlementaires a été en congé de maternité. J'ai reversé une partie de ce reliquat au groupe UMP et le reste est reparti dans le budget de l'Assemblée ».

Jean-Claude Thomas (UMP – Marne) : « Un déficit de 10,94 € »
« Mon reliquat de crédit de collaborateurs est déficitaire de 10,94 euros en 2007. Le montant de ce déficit a été retiré de mon indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). J'ai trois collaboratrices à ma permanence à Reims et, très occasionnellement, un collaborateur à temps partiel à Paris. Elles bénéficient du treizième mois et je prends entièrement en charge leurs tickets restaurants. Les plus anciennes ont une prime d'ancienneté, ce qui représente un total de 955,20 euros par mois qui s'ajoute au crédit de collaborateurs de 8.949 euros brut par mois. Élu depuis 1988, je n'ai pas souvenir de n'avoir pas consommé mon crédit de collaborateurs. »

Isabelle Vasseur (UMP – Aisne) : « J'ai joué la prudence »
« Par prudence, je n'ai embauché en juin que deux personnes : un assistant à Paris, une secrétaire à Château-Thierry. En décembre, j'étais loin d'avoir utilisé tout mon crédit collaborateur. Je l'ai utilisé en partie pour refaire ma permanence et pour verser, fin décembre, une prime de 1.000 € à chacun de mes collaborateurs et une troisième, moins importante, à la personne qui nous a rejoints depuis ».

Catherine Vautrin (UMP – Marne) : « Un reliquat de 4.000 € »
En raison d'une année parlementaire qui n'a débuté qu'en juin, le crédit collaborateur de l'ancienne ministre à la Cohésion sociale s'élevait, en fin d'année, à 4.000 €. Catherine Vautrin les a répartis « sur deux de ses trois collaborateurs ».

Philippe Vuilque (PS – Ardennes) : « Toute mon enveloppe y passe »
« Je n'ai pas de reliquat. Toute mon enveloppe y passe pour rémunérer les trois collaboratrices qui travaillent à ma permanence de Revin et faire un don de 325 euros par mois au Parti socialiste. Il y a plusieurs années que je n'ai pas eu de reliquat, sauf quand il y a eu des remboursements d'arrêt maladie de collaboratrices. Ces reliquats ont été reversés sous forme de primes aux collaboratrices. Ils ne portaient pas sur des grosses sommes ».

Jean-Luc Warsmann (UMP – Ardennes) : « Une prime en novembre »
« J'ai l'habitude de verser, chaque année en novembre, une prime à mes cinq collaborateurs, un à Paris, quatre dans les Ardennes, quitte à puiser sur mon indemnité parlementaire, ce qui est le plus souvent le cas ».

Publié dans Revue de presse

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